« Ce n’est que du business » : L'Amer Regard de Pascal Bedrossian sur le Football Américain


 Pascal Bedrossian, l'ancien milieu de terrain du FC Lorient et vainqueur de la Coupe de France en 2002, a troqué les pelouses françaises pour la vie américaine. Établi à Chicago, où il exerce désormais en tant que conseiller principal d’éducation (CPE) au lycée français, le Marseillais passé par le Stade Rennais et Angers Sco pose un regard sans concession sur l'état du football, ou « soccer », aux États-Unis, à l'approche de la Coupe du monde 2026. Un regard nourri par son expérience de joueur en Major League Soccer (MLS) et de parent impliqué dans les structures locales.

Le Retour aux Sources du Football

Après avoir raccroché les crampons aux Chicago Fire en 2006, Pascal Bedrossian avait un temps mis le football de côté. Ce n'est que récemment que la flamme a été ravivée, grâce à ses deux fils. « Jusqu’au moment où mes deux garçons ont grandi. Je les ai inscrits à côté de chez nous. Et j’ai replongé », confie avec un sourire l'homme de 50 ans. Cette immersion dans le football junior américain lui offre une perspective unique, celle d'un ancien professionnel confronté à la réalité du terrain et des structures de formation outre-Atlantique.

À un an de la Coupe du monde en Amérique du Nord (11 juin au 19 juillet 2026), l'ancien capitaine de Lorient (1998-2004) livre pour Ouest-France un jugement acerbe sur la direction prise par le soccer aux États-Unis. Son entretien est une critique non édulcorée des dirigeants et de leur idéologie, qu'il estime trop axée sur le profit.

Un Coût Exorbitant et une Mentalité « Business »

La principale pierre d'achoppement pour Pascal Bedrossian réside dans le coût prohibitif de la pratique du football aux États-Unis. « Les États-Unis ont un gros problème, c’est que les licences sont très chères pour jouer au foot. On est entre 2 000 et 4 000 dollars par an. Par rapport à la France (150 à 300 €), c’est un truc de malade. C’est devenu un business ! » s'indigne-t-il.

Cette réalité financière a, selon lui, des conséquences désastreuses sur la philosophie du jeu et la formation des jeunes. Les dirigeants, contraints par des enjeux économiques, sont obsédés par la victoire à tout prix, et ce, dès le plus jeune âge. « À mes yeux, c’est la plus grosse des conneries », assène Bedrossian. Pour lui, cette approche est contre-productive. Au lieu de se concentrer sur le développement à long terme des jeunes talents et sur l'épanouissement des joueurs, le système américain privilégie une rentabilité immédiate. Cela signifie souvent recruter des joueurs dont la maturation physique est avancée, au détriment de ceux qui  pourraient avoir un potentiel technique ou tactique plus élevé mais qui nécessitent davantage de temps pour se développer.

Le football, tel qu'il est pratiqué aux États-Unis, semble se détourner de ses valeurs fondamentales de formation et de plaisir pour devenir une marchandise. Cette commercialisation à outrance prive de nombreux jeunes talents, issus de milieux moins favorisés, de la possibilité de pratiquer ce sport, créant ainsi une barrière sociale et économique qui n'existe pas avec la même ampleur dans d'autres pays.

Des Conséquences Profondes sur la Qualité du Jeu

La critique de Bedrossian ne s'arrête pas au seul aspect financier. Il pointe du doigt les répercussions de cette mentalité « business » sur la qualité intrinsèque du jeu et le développement des joueurs. Un système où la victoire est le seul objectif dès le plus jeune âge engendre des pratiques qui favorisent le résultat immédiat au détriment de l'apprentissage technique et tactique. Les entraîneurs pourraient être tentés de sur-solliciter certains joueurs physiquement plus matures, négligeant ainsi le développement harmonieux de l'ensemble du groupe.

Cette approche peut également décourager les jeunes qui ne correspondent pas aux standards physiques du moment, les poussant à abandonner un sport qui, dans d'autres cultures, est accessible à tous et met l'accent sur la passion et la créativité. Le football américain, dans cette optique, risquerait de produire des athlètes plutôt que des footballeurs complets, capables de vision de jeu, de prise de décision rapide et de finesse technique.

Un Avertissement à l'Approche de la Coupe du Monde 2026

À l'aube de la Coupe du monde 2026, que les États-Unis co-organiseront avec le Canada et le Mexique, les observations de Pascal Bedrossian résonnent comme un avertissement. Si l'engouement pour le soccer est indéniable outre-Atlantique, la question de la qualité de la formation et de la pérennité du modèle se pose avec acuité. Les infrastructures sont là, l'intérêt grandit, mais le système actuel est-il réellement propice à l'émergence de talents de classe mondiale et à la construction d'une culture footballistique profonde et authentique ?

Le regard critique de Bedrossian n'est pas celui d'un détracteur, mais plutôt celui d'un amoureux du football qui a vu son sport évoluer différemment des deux côtés de l'Atlantique. Son expérience personnelle, tant sur le terrain que dans les coulisses de la formation, lui confère une légitimité pour dénoncer ce qu'il perçoit comme des dérives.

Pour que le football américain atteigne son plein potentiel et se hisse au niveau des nations phares, il devra peut-être reconsidérer ses priorités. Le succès sportif ne se mesure pas uniquement à la taille des comptes en banque, mais aussi à la capacité d'un système à nourrir la passion, à développer le talent et à rendre le sport accessible à tous, indépendamment des revenus. C'est un défi de taille pour le soccer américain, qui devra choisir entre un modèle purement commercial et une approche plus authentique, axée sur le développement durable de ses jeunes pousses.

BERMIZFOOT01

Passionné du football

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