Cléo Ginterdaele : Dix Ans Après le Drame, la Championne de Tennis Fauteuil de 13 Ans Incarne la Résilience et Rêve des Jeux Paralympiques


 Un sourire lumineux, des yeux bleus pétillants et une détermination forgée dans l'épreuve. À seulement 13 ans, Cléo Ginterdaele, originaire de Croix dans le Nord, n'est pas une adolescente comme les autres. Championne de France junior de tennis fauteuil et classée 16e mondiale dans sa catégorie, elle s'apprête à fouler la terre battue de Roland-Garros d'une manière singulière : dès ce mardi 3 juin 2025, et pour toute la semaine, elle sera l'une des précieuses ramasseuses de balles du prestigieux tournoi. Une expérience unique pour cette jeune athlète dont la vie a basculé il y a dix ans, mais qui a trouvé dans le sport une voie vers la libération et l'accomplissement.

Quand je joue au tennis, c'est un moyen de penser à autre chose, de me libérer," confie Cléo avec une maturité désarmante. Ces mots résonnent avec une profondeur particulière lorsque l'on connaît son histoire. En 2015, un drame terrible a frappé sa famille. Alors âgée de trois ans, Cléo et sa maman, Delphine, se promenaient sur le marché de Croix. Une journée ordinaire qui a viré au cauchemar lorsqu'une conductrice âgée, confondant les pédales de sa voiture, a avancé au lieu de reculer, les percutant violemment. L'un des deux  grands frères de Cléo, présent sur les lieux, a été frôlé par le véhicule mais en est ressorti physiquement indemne, bien que profondément marqué. Pour Cléo et Delphine, les conséquences furent irréversibles : toutes deux durent subir une amputation d'une jambe.

La décennie qui a suivi fut un long chemin de reconstruction, physique et émotionnelle. Apprendre à vivre avec une prothèse, surmonter le traumatisme, et pour Cléo, grandir avec cette différence. Mais au cœur de l'adversité, une étincelle allait jaillir, nourrie par une rencontre déterminante et la force insoupçonnée d'une enfant résiliente.

Trois fois par semaine, la jeune fille s'arme de sa raquette, s'installe dans son fauteuil de sport spécialement conçu, et laisse son talent s'exprimer sur les courts. Sa passion pour le tennis fauteuil et la rigueur qu'elle y déploie ne sont pas nées du hasard. Elles sont le fruit d'une rencontre providentielle avec Pauline Déroulède, joueuse professionnelle de tennis fauteuil au parcours douloureusement similaire. C'est dans un centre orthopédique de Grenoble, où Cléo se rendait pour ajuster sa prothèse, que leurs destins se sont croisés.

Delphine, la maman de Cléo, se souvient de ce moment avec émotion : "Pauline Déroulède a eu exactement la même histoire que nous." En effet, Pauline a également perdu sa jambe après avoir été fauchée par une personne âgée ayant perdu le contrôle de son véhicule. "Je me suis dit que je ne pouvais pas la laisser repartir sans discuter avec elle," explique Delphine. "J'ai fait du cloche-pied jusqu'à sa salle d'essayage et je lui ai expliqué qui on était, pourquoi on était là. Une espèce de connexion s'est faite assez rapidement."

C'est Pauline qui a initié le dialogue sportif avec la jeune Cléo. "Elle m'a demandé si je faisais du sport. Je lui ai dit que non," raconte Cléo. "Elle m'a dit d'essayer. J'ai testé le tennis fauteuil et ça m'a plu. J'ai commencé à en faire en club. J'ai trouvé une passion dans le tennis et les tournois." Ce fut une révélation. Le sport est devenu bien plus qu'une simple activité ; il s'est transformé en un exutoire, une source de confiance et un moteur de dépassement de soi. Pauline Déroulède est devenue une mentor, une inspiration vivante de ce que l'on peut accomplir malgré les épreuves.

L'engagement de Cléo dans le tennis fauteuil a mobilisé toute la famille. Samuel, son papa, est son plus fidèle accompagnateur sur les compétitions. Son regard sur l'épanouissement de sa fille est teinté d'une immense fierté. "Comme tout parent, quand on voit ses enfants heureux, ça rend heureux," partage-t-il. "C'est d'abord une satisfaction pour elle. C'est vraiment une joie de la voir s'épanouir, d'avoir trouvé une activité qui la valorise. Quand elle est dans son fauteuil de tennis, elle est heureuse. Cela lui permet de faire sortir un peu ses colères de manière positive, c'est aussi une fierté." Ces colères, nées de  l'injustice d'un accident qui a changé sa vie, trouvent sur le court une expression constructive, canalisées en énergie, en précision et en combativité.

Déjà titrée championne de France junior, Cléo s'apprête à défendre sa couronne ce mois de juin. Mais son regard est résolument tourné vers l'avenir, vers un rêve qui l'anime chaque jour : participer aux Jeux Paralympiques de Los Angeles en 2028. "Elle va tout faire pour y arriver," affirme-t-on dans son entourage, et personne n'en doute au vu de sa ténacité. Être ramasseuse de balles à Roland-Garros cette année est une étape de plus, une immersion au cœur du tennis de haut niveau, une occasion d'observer ses idoles et de nourrir encore davantage ses ambitions.

Pour partager leur parcours, pour mettre des mots sur les maux et sur la résilience, la famille Ginterdaele – Cléo, ses deux frères, et leurs parents – a co-écrit un livre. Intitulé sobrement mais puissamment "Debout", l'ouvrage est paru début mai 2025 aux éditions du Rocher. Rédigé avec l'aide d'un écrivain, il porte une préface signée Pauline Déroulède, celle par qui la passion du tennis est arrivée.

Ce livre était une démarche nécessaire pour toute la famille," explique Delphine. "Ça a eu beaucoup de vertus. Cela nous a permis de coucher sur papier ce que l'on n'ose pas exprimer verbalement. Maintenant, on sait que les gens peuvent le comprendre et nous comprendre." C'est une histoire de courage partagé, de liens familiaux resserrés par l'épreuve, et d'une volonté farouche de ne pas se laisser définir par un accident, aussi tragique soit-il.



Cléo Ginterdaele, du haut de ses treize ans, incarne cette force tranquille. Son parcours, marqué par une maturité précoce et une joie de vivre communicative, est une leçon de vie. Dix ans après le drame, elle ne se contente pas de "tenir debout" ; elle s'élance, raquette en main, vers un avenir où le sport est synonyme de liberté, de dépassement et de rêves olympiques. Et le monde du tennis, comme celui de tous ceux qui croiseront son chemin, ne peut qu'être inspiré.

BERMIZFOOT01

Passionné du football

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